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Marathon de Beyrouth : ce n’est qu’un au revoir
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Créée en 2003, l’Association du Marathon de Beyrouth (BMA, son acronyme en anglais) a fermé en mai dernier, jusqu’à nouvel ordre. Au cours de ses 17 ans d’existence, la BMA a affronté diverses crises et traversé de multiples tempêtes sans toutefois plier ni capituler. Mais aujourd’hui, avec les très graves perturbations que traverse le Liban, notamment la pandémie de Covid-19, les conjonctures sont différentes. Pour mieux comprendre cette décision pour le moins surprenante de la part d’une association devenue une véritable institution, « L’Orient-Le Jour » a eu un entretien téléphonique avec May el-Khalil, la fondatrice et présidente de la BMA.
Depuis la création de la BMA, vous avez tenu bon envers et contre tout. Pourquoi avoir pris la décision de mettre la clé sous la porte maintenant ?
En effet, depuis 2003, en dépit des crises – politique, économique ou sociale – plus ou moins graves, l’Association du marathon de Beyrouth s’est frayé un chemin contre vents et marées, en ne voulant pas faillir à sa mission : prôner et encourager l’unité nationale à travers la course qui est, à tous les niveaux et sur tous les plans, fédérative. Il ne faut pas oublier que notre devise est « Peace, Love, Run ».
Cependant, la révolution d’octobre 2019 est survenue, fruit de la pire crise économique et sociale que le Liban ait connue depuis des décennies. Sans vouloir entrer dans les détails de la crise politique et sécuritaire.
Un événement majeur tel que le marathon (en 2018 nous avions réuni près de 50 000 athlètes de 109 pays) nécessite une organisation sans faille, d’assurer la sécurité des coureurs et des bénévoles ainsi que des organisateurs et officiels. Pour l’édition 2019, nous étions dans l’impossibilité de la garantir.
De plus, vu les considérations sociales du peuple libanais qui manque des services publics les plus basiques, cela combiné à la cherté de vie, nous avons trouvé indécent d’organiser le marathon de Beyrouth l’an dernier, surtout que cela aurait requis la fermeture de routes, une gêne aux déplacements déjà causée par les manifestations. Nous avions donc décidé d’annuler la course et de donner rendez-vous en novembre 2020.
Ce faisant, nous nous sommes retrouvés dans l’obligation de rembourser les sponsors et les participants inscrits à la course, la BMA étant une association à but non lucratif.
De plus, la BMA subsistant de sponsoring et de donations, nous nous sommes vu refuser les financements nécessaires à l’organisation du marathon. Notre principale partenaire depuis les premiers pas, la BLOM Bank, étant touchée de plein fouet par la crise des liquidités et la dépréciation de la livre libanaise.
Puis est arrivé l’an 2020, charriant avec lui la pandémie du nouveau coronavirus. La maladie Covid-19 a mis le monde entier en mode pause, pas seulement la planète sportive, aggravant la crise économique mondiale et plus particulièrement libanaise.
Dans ce contexte incertain et inquiétant, tant politique, la situation au niveau local est grave, qu’économique et social ainsi que sportif – organiser de grands événements ne sera possible qu’une fois la pandémie vaincue –, la seule solution qui nous a paru logique, pour l’instant, était de fermer la BMA. Mais croyez-moi, cette décision ne fut pas chose facile à prendre.
Vous dites « pour l’instant ». Cette fermeture est-elle donc temporaire et non définitive ?
Bien sûr que oui ! La BMA n’a pas été dissoute. Comme le reste du monde, elle s’est simplement mise en mode pause. Encore une fois, j’insiste, nous sommes une association à but non lucratif qui dépend du sponsoring. Quand toute cette crise sera derrière nous, je suis sûre que les sponsors financeront à nouveau le marathon.
Alors, le marathon de Beyrouth reviendra…
Oui. J’en suis sûre. Mais il faudra donner le temps au temps et permettre à la société libanaise de panser ses plaies et de se reconstruire. La course pourra toujours prendre un nouveau départ et les athlètes ne manqueront jamais à l’appel.
Ce nouveau départ peut-il être en 2021 ?
Je ne peux pas me prononcer. Quand la situation le permettra. Nous ne voulons pas risquer un faux départ.
Qu’en est-il de vos activités et programmes parallèles ?
Ils sont gelés, comme le marathon et tout le reste.
Que deviennent vos employés et collaborateurs dans tout ça ?
Comme je l’ai déjà dit, la décision de fermer la BMA n’a pas été facile à prendre. Mais elle a été collégiale et unanime. Nous nous sommes réunis tous ensemble (conseil d’administration, cadres et employés), et tous ensemble nous avons convenu de la justesse de cette solution qui, je l’espère, restera temporaire et ne deviendra pas pérenne. Et, sans exception, tous les collaborateurs de la BMA ont été indemnisés.
Nous avons résisté autant que possible au regard de la crise. Dans un premier temps, nous avons conservé nos 31 employés, qui avaient tous accepté de rester avec des salaires réduits. C’est même eux qui avaient proposé cette solution pour maintenir la BMA la tête hors de l’eau. Nous ne nous sommes jamais considérés comme des patrons et des employés. Nous étions une grande famille unie où l’amour a toujours prévalu. Mais même ainsi, il fut difficile de tenir le coup. Une deuxième phase de plan social était nécessaire : de 31 nous sommes passés à 15 personnes en février, puis à 6 entre mars et avril et, enfin, aujourd’hui, il ne reste plus que deux personnes pour juste assurer une permanence dans les bureaux. Car nous ne sommes pas définitivement fermés. Ces deux personnes sont là pour répondre à toute interrogation ou donner toute information nécessaire. Tous nos moyens de communication sont encore fonctionnels (e-mail et téléphone), de même que nos comptes sur les réseaux sociaux.
Vous insistez sur le caractère « temporaire » de la fermeture. Cela veut-il dire que vous avez des plans pour rebondir à l’avenir ?
Je suis une personne optimiste de nature. Et, oui, je crois que nous rebondirons plus fort qu’avant. Des plans précis, nous n’en avons pas. Pas encore. Il est trop tôt pour prévoir quoi que ce soit. La situation mondiale est incertaine et personne ne peut prédire quand cela prendra fin. Encore plus au Liban. Le marathon de Beyrouth a été rendu possible grâce aux efforts et aux sacrifices de toutes ses parties prenantes, des bénévoles aux coureurs en passant par les sponsors. En soutenant et en défendant diverses causes à travers notre plate-forme, ils ont placé le Liban sur la carte internationale du tourisme et des grands événements sportifs. Un acte de foi qui ne restera pas vain et qui se renouvellera sûrement le temps venu. Surtout que tous les anciens employés de la BMA sont prêts à revenir y travailler quand la situation s’améliorera. Nous étions et resterons une grande famille unie.
Il est vrai qu’aujourd’hui nous vivons des jours tristes, mais cela passera et des jours meilleurs viendront. Nous serons prêts lorsque cela se produira. Le voyage est loin d’être terminé. Il se poursuivra peut-être avec des personnes différentes, mais toujours avec la même énergie et la même passion qui sont gravées dans notre ADN. En attendant, nous gardons le contact avec la communauté de la course à pied via les réseaux sociaux. Nous sommes en contact permanent avec World Athletics (la Fédération internationale d’athlétisme), ainsi qu’avec les diverses fédérations nationales et continentales, pour étudier l’évolution de la situation mondiale et la possibilité d’un retour à la normale. Nous communiquons aussi, via notre site internet et nos pages sur les réseaux sociaux, sur nos activités passées pour mettre en avant nos accomplissements afin d’éviter l’oubli.